Comment l’innovation en matière de digital local peut-elle répondre
aux enjeux de RSE ?
Bruno Van Boucq, CEO de Proxistore et Guillaume Jaccarini, Directeur de la stratégie et du marketing chez Clear Channel France nous éclairent sur les innovations qui permettent de répondre
aux enjeux de responsabilité sociale et environnementale !Alexis Goujon : « En matière de communication et de media, la responsabilité est d’abord une question de sobriété. Cette sobriété consiste notamment à limiter la déperdition et donc à maximiser l’utilité des contacts distribués. Mais pour cela, il faut bien connaître les territoires et disposer d’outils de ciblage, et de ciblage géographique notamment.
Bruno, peux-tu nous expliquer ce que vous avez développé chez Proxistore pour répondre à cet enjeu et quels en sont les bénéfices en matière de responsabilité environnementale ?
Bruno Van Boucq : La première chose à considérer c’est qu’une bannière publicitaire ça a un coût écologique mais également un coût économique. On le sait, l'internet peut apparaître comme bon marché et donc malheureusement certains annonceurs et agences ont tendance à considérer que, comme c’est bon marché, on réfléchit plus ou moins pour lancer des campagnes, alors même qu’on dispose de beaucoup de paramètres de ciblage et notamment géographique.
La dimension géographique a été longtemps le parent pauvre dans les ciblages, et c’est pour répondre à cet enjeu que Proxistore a développé des technologies permettant, dans le respect évidemment de la vie privée des utilisateurs, de générer une donnée de localisation aussi précise que possible, quel que soit l'environnement utilisé, laptop, desktop ou smartphone bien sûr, mais aussi une télévision connectée aujourd'hui.
Donc, quel que soit l'environnement, nous avons une donnée de localisation précise. Grâce à ces données, nous accompagnons nos clients annonceurs et agences pour leur permettre de cibler des territoires. Ça peut être des quartiers, des codes iris pour communiquer précisément auprès des individus.
La création de cette donnée de géolocalisation a été le point de départ de Proxistore.
Mais depuis un certain temps, nous constatons que les outils les plus utilisés pour programmer des campagnes digitales sont les outils américains, ceux des Gafam pour les citer, donc des outils qui sont réfléchis globalement et qui finalement fonctionnent également globalement.AG : Comment faire pour contourner cette approche globale, voire globalisante de ces outils ?
BVB : Nous avons décidé de renverser le paradigme en partant du local pour monter au niveau national. Et là, nous nous sommes rendu compte qu’aujourd’hui la quasi-totalité des outils de diffusion publicitaire le font sans discernement. C'est un peu comme si on prenait un pot de peinture, on le renverse du balcon et les couleurs arrivent au sol. La couleur c'est le message. Le sol c'est votre cible. Vous vous retrouvez avec des surcouches à certains endroits et vous avez des petites gouttelettes tout autour, et il y a donc plein de zones qui ne sont pas touchées. Vous avez ce qu'on appelle des trous dans la raquette ! Quand on a compris ça, nous nous sommes dit qu'il y avait quelque chose à faire avec cette donnée, finalement locale. Et grâce à une collaboration Proxistore et Microsoft, nous mettons à la disposition de l'ensemble du marché, gratuitement, et quand je dis le marché je parle des annonceurs et des agences au travers de leurs DSP, leurs plateformes d'achat publicitaire, cette petite technologie supplémentaires qui va leur permettre de diffuser de façon isométrique.
Le service s’appelle ISOMETRIC BROADCAST, il est disponible à tout un chacun, nous avons juste besoin de connaître le numéro du siège et le DSP et nous mettons à disposition ce service, gratuitement, qui va permettre à l'annonceur et l'agence de diffuser de façon isométrique, c’est à dire qu'on n’aura pas de sur-diffusion, et on parlait tout à l'heure du coup écologique et économique d’une mauvaise diffusion, c'est à dire qu'on arrête de sur-diffuser sur certaines zones et inversement on va arrêter de sous-diffuser dans les endroits plus locaux dans lesquels, finalement, on a quand même plus de 50% de la population qui est moins touchée. Donc ce sont de nouveaux consommateurs qui sont là depuis toujours mais que les annonceurs n'avaient pas la capacité à atteindre. Et bien grâce à cet outil, ils vont pouvoir les atteindre de façon pertinente, avec beaucoup plus de discernement.
AG : Je me tourne à présent vers toi Guillaume pour parler de la communication extérieure c’est-à-dire ce qu’on appelle habituellement l’affichage ou encore l’Out Of Home. C’est un media qui est entré depuis de nombreuses années dans l'ère du digital et qui est par essence un média local et un media de précision. Mais c’est également un media qui s’est engagé depuis longtemps dans une démarche responsable.
Pourrais-tu nous raconter ce qui a été mis en place au niveau de la filière d’une part et chez Clear Channel d’autre part ?Guillaume Jaccarini : Si je rebondis sur ce que tu disais Bruno, la géolocalisation en communication extérieure c’est finalement ce qui rythme notre ADN. Chez Clear Channel, nous sommes opérateur de communication extérieure, nous avons plus de 100 000 points de contact qui sont disséminés sur l'ensemble du territoire métropolitain, permettant de toucher 35 millions de personnes par semaine.
Et finalement, lorsqu'on opère une campagne nationale, c'est en fait une collection de multi localités que nous adressons, car nous irriguons le territoire dans l'ensemble des strates de population. C'est d'ailleurs aussi pour ça, lorsqu'on regarde par exemple l'ensemble des 800 salariés Clear Chanel qui sont disséminés dans 30 antennes dans tout le territoire, c’est véritablement l’ADN d'un opérateur comme Clear Channel d'aller irriguer jusqu'à la plus petite localité.
Au-delà de cette partie géolocalisation, il y a effectivement des démarches qui ont été initiées au niveau de la filière. C'est assez rare et ça mérite d'être souligné ! Au sein du syndicat de l'Union de la Publicité Extérieure, il y a des engagements forts qui ont été pris, notamment pour réduire nos émissions carbone d’environ 50% d’ici 2030, et nous avons construit un calculateur carbone, conçu pour l'ensemble de la filière.
Ce qui veut dire qu'aujourd'hui n'importe quel annonceur, n'importe quelle agence média qui veut faire donc une campagne de communication extérieure, que ce soit de communication extérieure print ou digitale, va pouvoir rentrer les éléments de sa campagne et de calculer l'émission carbone de sa campagne. Que ce soit sur la partie affichage ou sur la partie diffusion, mais également en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie des supports publicitaires, ce qui va de l'extraction du minerai jusqu'à la mise au rebut du support publicitaire.
Donc, au niveau filière, la démarche est d’être transparents en donnant à comprendre quels sont les impacts d’une campagne. Mais il y a d’autres initiatives, comme celle d’une offre verte que nous avons lancée chez Clear Channel et qui va permettre d'afficher sur du papier entièrement recyclé, avec des encres végétales sans solvant pour aller faire du complément sur cette partie de l'émission carbone.
AG : LA RSE c’est bien sûr un sujet d'environnement mais c'est aussi un sujet de dynamique économique et sociale locale des territoires. Guillaume, peux-tu nous dire ce que vous avez mis en place chez Clear Channel pour répondre à ce besoin des acteurs économiques locaux, petits, moyens ou gros d’être accompagnés dans leur communication locale ?
GJ : Nous avons développé une plateforme qui s'appelle LaunchPAD. Avant de répondre à la question sur l’accompagnement des entreprises locales, je voulais préciser que dans LaunchPAD il y a plusieurs volets. Un des volets, c'est de donner l'inventaire digital disponible en programmatique, via les DSP du marché qui peuvent tous accéder à cet inventaire pour diffuser les campagnes, ce qui n’était pas possible il y a un an. Donc l'idée c'est dans un premier temps de se dire, soyons accessibles. Au-delà de cette partie programmatique, si on aborde la partie vraiment très locale du média, la communication extérieure à cette spécificité que c’est le seul média accessible à tous. Pas besoin de disposer de tel ou tel device, pas besoin de souscrire à tel ou tel abonnement, pas besoin d'acheter quoi que ce soit pour bénéficier de ce média. C’est finalement le média de toutes les communautés et pas le media d'une communauté spécifique.
AG : Vous avez donc créé LaunchPAD pour les accompagner les TPE et PME dans leur communication locale ?
GJ : Oui, Nous nous sommes demandé comment démocratiser le seul média disponible sur l'espace public et LaunchPAD, pour une TPE ou un commerçant, c’est la possibilité de se connecter sur un site internet ergonomique et en quelques clics de pouvoir cibler les panneaux publicitaires, soient papiers, soient digitaux, situés à proximité de sa boutique et pouvoir ainsi facilement se faire connaître, prendre la parole dans l'espace public.
Jusqu’à présent, le media affichage pouvait être vu comme compliqué à acheter, avec des canaux spécifiques ou en tout cas il fallait être « intégré » dans ce milieu du média. C’est ce qui pouvait finalement couper l'accès aux médias d’un certain nombre de TPE ou PME, et l'idée c'était de démocratiser cet accès au media affichage.
AG : Bruno, ce rôle d’acteur dans la dynamique économique locale, nous le retrouvons également dans la nouvelle approche de distribution isométrique des contacts que vous avez développée chez Proxistore. De quelle manière cette méthodologie contribue-t-elle à l’essor économique des territoires ?
BVB : C'est en fait un écosystème. C’est d'une part un consommateur qui a besoin d'être informé, surtout en ce moment avec la baisse du pouvoir d'achat, sur les prix qui sont proposés dans les magasins proches de chez lui, ce qui permet aussi de limiter les trajets. D’autre part, les commerçants plus petits ont aussi besoin de communiquer localement, et pour cela ils vont pouvoir utiliser des impressions publicitaires bien géolocalisées dans la zone de chalandise de leur magasin.
Chez Proxistore nous avons une conviction très forte depuis 1995 concernant la puissance de nos médias locaux, qui a été aussi à l’origine des procès que nous avons contre Google notamment par rapport à nos technologies brevetées. Notre ADN, c'est vraiment de soutenir le tissu des médias locaux, mais on sait aussi qu'un média local manque parfois de reach, de couverture. Le fait de pouvoir proposer nos solutions à l’ensemble des acteurs en France, en Belgique, au Portugal ou en Espagne, va participer à la monétisation du média local.
AG : Les acteurs media ont donc selon toi un rôle à jouer pour accompagner cette dynamique locale ?
BVB : Je pense qu'on a effectivement un rôle à jouer et on le fait en mettant ces outils à disposition des commerces locaux, car en les aidant à communiquer, ils se font connaître et on aide à recrée une vie de quartier, de proximité. C’est également un circuit vertueux pour l’emploi car les commerces locaux sont aussi de gros employeurs locaux !
C’est en fait un système qui se construit entre le commerçant, les médias, les consommateurs qui crée un équilibre économique mais aussi démocratique à travers les media d’information, locaux et nationaux. Nous avons besoin notamment, pour une démocratie forte en France, de journalistes qui suivent des conseils municipaux par exemple pour retranscrire les débats dans la presse. A partir du moment où on ne soutient pas cette information locale, on prend un risque, même démocratique. Et on le voit aujourd'hui en Europe, c’est compliqué !
AG : En matière de RSE, on aborde rarement la dimension d’entreprise citoyenne, alors que les media contribuent véritablement à la vie de la citée. Financièrement bien sûr, mais également à travers un certain nombre d’actions au service du public. Guillaume, qu’en est-il pour la filière affichage ?
GJ : Il y a des mesures qui sont finalement communes à une grande partie des acteurs de la filière et d'autres éléments peut-être plus spécifiques à Clear Chanel. Si on se met du côté filière, le premier volet c'est le partage de la valeur. Les afficheurs payent leurs impôts en France, et lorsqu'on regarde le grand orchestre des médias, ce n'est pas forcément le cas de tout le monde !
Au-delà de ça, il y a des situations qui sont très spécifiques à la communication extérieure. Parce que nous sommes implantés sur des territoires qui ne sont pas les nôtres, nous reversons une très grosse partie de notre chiffre d'affaires publicitaire à nos concédants. Ça peut être les collectivités, des opérateurs de transport, des concédants privés. Lorsqu'on regarde finalement ce que l'on reverse au global, parce que nous finançons également des infrastructures qui vont permettre justement le mieux vivre dans la cité, c'est plus de la moitié du chiffre d'affaires publicitaire que nous générons qui est reversé.
Lorsqu'on regarde ensuite les actions spécifiques de Clear Channel, et pour donner un exemple, nous avons lancé cette année le Futur Prix. L'idée était de s'ouvrir à toute la communauté créative, et pas forcément des professionnels de la création, pour qu'ils puissent participer à ce concours donc le thème était « la diversité en haut de l'affiche » et puisse soumettre leur création.
D'ailleurs, la personne qui a reçu le premier prix de ce concours n'était pas créatif de profession, et il a pu voir sa création affichée sur les Champs-Élysées. L'idée était de montrer que ce média est accessible à tous.
Tu le disais tout à l'heure, effectivement, il y a une partie de nos affiches sur la partie papier ou du temps publicitaire sur la partie digitale qui sont dévolues à la communication des villes, des concédants et des opérateurs de transport.
Nous sommes en réalité opérateurs de communication extérieure et non plus opérateurs de publicité extérieure, et donc nous diversifions nos messages. Alors bien entendu il y a la partie publicitaire, mais nous nous diversifions avec d’autres types de contenus qui sont soient informatifs, soient artistique et qui vont permettre d’éduquer et d’informer les citoyens et pourquoi pas également de les émerveiller !
AG : Bruno, as-tu un exemple d’application citoyenne de la méthodologie déployée par Proxistore ?
BVB : Oui et ça concerne la vie politique et l’importance de bien savoir pour qui on vote ! Lors des dernières élections communales, que vous appelez en France les élections municipales, nous avons mis à disposition de différents partis politiques nos outils permettant à chaque candidat local de proposer sa candidature et d’expliquer pourquoi ils se présentait aux élections, et tout ça dans un environnement média local et pas média national. On ne parle pas de Facebook, on ne parle pas de YouTube ni de Google, on parle vraiment de nos médias ce qu'on connaît. Et donc, ça leur permettait avec des petits budgets finalement, d'être vus uniquement dans la commune, dans la cité où il se présentaient et ça a eu un succès assez incroyable, même au-delà de nos espérances puisqu'on a vu des candidats qui étaient finalement des grands inconnus politiquement se faire élire.
C'était un beau cas qu’on aimerait pouvoir répéter en France, mais il y faut faire évoluer les mentalités au niveau des partis et faire évoluer les lois qui aujourd’hui ne permettent pas d'offrir nos outils pour communiquer localement dans le digital, c'est dommage
Alexis Goujon
06.03.36.23.40
alexis@